Parce que cette dénomination est souvent utilisée à tort et à travers par des médias peu regardants, il faut avant tout redéfinir ce que sont les milliennials ou « génération Y ». Il s’agit de toute personne née entre 1980 et 2000 (des personnes qui ont donc aujourd’hui entre 18 et 38 ans) et dont le point commun est d’être digital native.
Ce groupe est, bien évidemment, très hétérogène, il s’agit même d’un vaste segment et il ne convient pas de nier l’existence de sous-catégories chez les millennials (entre les tranches d’âge et/ou de styles de vie comme les économes, les ultra-consommateurs, les technophiles, les naturophiles etc.) d’autant qu’ils mutent aussi rapidement que l’innovation évolue.
Même s’il est impossible de les enfermer dans des schémas, il y a cependant des similitudes de comportements. Les millennials ont grandi avec l’évolution des technologies de l’information et de la communication et leurs habitudes ou comportements sont symptomatiques des ruptures d’usage en matière de consommation des médias et des services numériques. Au contraire des générations précédentes, ils ne se normalisent pas par rapport au monde, c’est le monde qui s’adapte à eux. Il s’agit d’une population très sollicitée, qui se trouve en situation de choix permanent entre « je clique ou je zappe ». C’est un changement de paradigme bien compris des acteurs majeurs du numérique.
A travers leur smartphone, les millennials sont soumis à un flux continu d’informations. Ils zappent, synthétisent, diffusent, commentent, partagent et recommandent en continue sur les réseaux sociaux. Cette consommation de l’information en « flux tendu » ne permet pas de correctement l’intégrer et de la digérer, une information remplaçant l’autre sans même avoir le temps d’en mesurer les tenants et les aboutissants. C’est désormais le règne de l’émotion au détriment de la raison.
S’adresser aux millennials par le biais des relations médias nécessite donc pour les entreprises, à défaut de pouvoir les cerner précisément, de tenir compte de leur mode de fonctionnement pour que les messages soient correctement reçus. L’enjeu est essentiel puisqu’ils représentent une part importante des consommateurs mais surtout parce qu’ils sont souvent des générateurs de tendances (et des early adopters).
Certains grands principes sur leur façon de consommer les médias peuvent être dégagés :
- Pas de blabla.
Les millennials veulent de l’authenticité, de la transparence. Ils ne veulent pas de contenus racoleurs. C’est une génération #nobullshit ou #nofilter. La méfiance est de rigueur et la suspicion de propagande et de mensonges est toujours présente lorsque cette génération est confrontée aux médias.
- La volonté d’exister prime sur l’enrichissement personnel
Au-delà de s’informer, les millennials cherchent à trouver, étonner, prouver. Relayer une information « inédite » devient un élément de valorisation personnelle. Cela reflète un certain penchant à vouloir se mettre en scène pour s’affirmer, se singulariser voire exister.
- Si l’information n’est pas dans leur newsfeed (fil d’actualité) c’est qu’elle n’est pas importante.
Les réseaux sociaux détiennent la première place des sources d’information. Souvent, le tri d’informations réalisé par les algorithmes de Facebook est considéré comme plus démocratique que le choix d’une rédaction. Les millennials se voient ainsi de plus en plus maîtres de leur propre flux d’actualité.
- La multiplication des sources
Pour avoir une vision globale de l’information, les millennials aiment multiplier les sources. Ce caractère « papillon » illustre la méfiance grandissante envers les médias traditionnels et institutionnels.
- L’information de proximité versus les médias locaux
Paradoxalement, les jeunes sont en recherche de proximité alors qu’ils consomment peu les médias locaux. Il s’agit davantage de proximité d’expérience que de proximité géographique. Ainsi, ils ont moins le réflexe de se tourner vers la presse régionale pour s’informer même si certains médias locaux plus spécialisés, comme Le Bonbon à Paris, bénéficient d’une belle audience.
Pour pouvoir s’adapter à ces nouveaux modes de consommation de l’information, certains médias ont transformé leur stratégie éditoriale et consacrent une part importante de leur activité à concevoir des formats courts par la vidéo principalement. Souvent discrédité par les puristes du journalisme qui la considèrent comme de la mal info car manquant cruellement de mise en perspective, ce format condensé permet tout simplement aux médias de survivre et donc de continuer à diffuser par ailleurs d’autres contenus plus fouillés et documentés.
Pourquoi donc ne pas passer par ces outils techniques et intégrer les nouveaux usages et comportements pour permettre aux catégories les plus jeunes de la population d’avoir accès à une information enrichie de tout élément de contextualisation permettant de mieux la comprendre ?
Le principal enjeu en réalité est l’éducation à l’information. La société se transforme, il faut en comprendre les codes pour ne pas tomber dans ses travers. Les associations e-Enfance, Entre les lignes ou encore Mediapte, en ont mesuré l’importance et proposent des modules d’éducation aux médias et à l’esprit critique aux collégiens et lycéens. Il s’agit d’inciter les millennials à multiplier, décrypter et recouper les sources tout en tenant compte des orientations politiques bien réelles de chaque média. Il n’y pas d’autre option pour remettre de la confiance entre médias et millennials.
Pantxika Chancerel, Consultante chez Agence Influences